by Marie Reverdy, SpinticA, 06/24
Le mot est particulièrement polysémique depuis peu. Nuage du ciel, nuage de mots, cloud des mémoires dématérialisées, archivées on ne sait où… Impossible, dès lors, d’avoir une vue globale : nous semblons baigner dedans sans trop de repères – une petite data par-ci et une autre par-là, un nuage de données et un nuage radioactif. L’architecture du nuage ne se laisse pas deviner par ses contours…
Arkadi Zaides se tient toujours, sur la pointe des pieds, au bord du précipice des catastrophes : famille juive biélorusse et ukrainienne, guerres incendiaires, guerre froide, formidable XXème siècle, enfant des parages de Tchernobyl, nuageant sa mémoire familiale sensible, dilatée dans le cloud de l’hyper-objet. Mémoire de famille et de l’Histoire, celle des Liquidateurs des déchets radioactifs après l’explosion, ouvriers surnommés Robots-Humains. Archives orales, récits, photos, vidéos, répartis nulle part, dans l’immatérialité du cloud. Où partiront les mémoires de ceux qui ont nettoyé le toit du réacteur 4 ? Où partiront les mémoires de la sœur aînée ? De l’ami d’enfance ? De cette voix qui nous parle et qui vient de se transformer, sous nos yeux, en témoignage écrit ? Le réel se déréalise, le temps se cristallise, l’espace se perd, les images bavent, les visages s’effacent, les corps se difforment, la matière se dissout et la mémoire se dilate. Et dans cette chute et son nuage de poussière aveuglante, la brutalité du réel revient comme une peau qui s’hérisse, par l’intermédiaire d’un objet : celui de cette acquisition faite en ligne, évoquée au début de la pièce, cette combinaison censée protéger les liquidateurs des radiations. L’arrivée de cet objet réinvite le réel au plateau : la matérialité de la combinaison pèse de tout son poids sur l’espace-temps de la scène.
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by Agnès Izrine, Danser Canal Historique, 06/24
C’est l’une des meilleures créations mondiales du 44e festival Montpellier Danse, fruit d‘une fidélité de Jean-Paul Montanari à Arkadi Zaides qu’il invite régulièrement et qui est sûrement l’un des artistes majeurs du monde chorégraphique d’aujourd’hui. Comme un roman. Si, dans les précédentes pièces d’Arkadi Zaides, comme Necropolis vu en 2021 à Montpellier Danse, était affichée une forme de danse documentaire, The Cloud, avec son écriture complexe qui mêle l’Histoire à la biographie et l’intelligence humaine à l’artificielle, nous met face à un roman, une autofiction qui finit par contaminer le monde qui l’entoure. Et cette contamination est exactement le sujet de The Cloud qui tire deux fils en parallèle : le « nuage » de données, cet « hyperobjet » conceptualisé par Timothy Morton, qui désigne « une entité ou un phénomène d’envergure massive excédant l’entendement humain et pouvant mener à la catastrophe écologique – par exemple l’énergie nucléaire ou le dérèglement climatique » ; et le fameux nuage de Tchernobyl, qui a envahi l’Europe, et une grande partie du monde à moindre échelle, en 1986.
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by Klaas Tindemans, e-tcetera, 05/24
Nu maakt Arkadi Zaides een voorstelling over Tsjernobyl, en het komt nog dichter bij. Zaides is geboren in Belarus, niet heel ver van de Oekraïense grens, in gecontamineerd gebied. Tsjernobyl zit dus letterlijk onder zijn huid. Als kind is hij geëmigreerd naar Israël, toen dat mogelijk werd voor Joodse Sovjet-burgers, maar ondertussen was hij wel besmet – of niet: alles is onbekend en onzeker. De beruchte wolk – the Cloud dus, zo heet zijn voorstelling – was nog compact in de streek waar hij woonde, de overblijfselen die Armand Pien tot bij ons zag komen waren helemaal verdund. Zaides maakt The Cloud als een nevenproject bij zijn langlopende traject over de ontmenselijking van migranten naar Europa, waaruit twee jaar geleden Necropolis ontstond. De aanleiding is persoonlijk, hij weet immers heel goed wat de ramp in Tsjernobyl écht teweegbracht, maar de vertelling gaat een andere richting uit. Hij concentreert zich op de zogenaamde liquidators, de mannen die, nadat de reactor tot relatieve rust was gekomen, de boel moesten opruimen en opkuisen. Zij stapten in beschermende pakken, gemaakt van een soort rubber dat amper ademde, en op de meest gevoelige lichaamsdelen, zoals de nek (met de schildklier), werden ze bedekt met plakken van lood, een beetje kneedbaar. Van een grondige veiligheidsanalyse was er geen sprake, niet van de plek waar ze moesten werken, niet van de betrouwbaarheid van de bescherming. Ze bewogen zich, vanuit voorzichtigheid maar net zo goed vanuit pure angst, op een trage, aftastende wijze, niet goed wetend wat ze mochten aanraken en wat niet.
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